Témoignages

En 1994 à l’âge de 26 ans, j’ai été iléo-stomisé suite à une rectocolite ulcéro-hémoragique. Opéré en urgence, je me suis réveillé avec un « morceau de plastique» collé sur mon ventre…Mais qu’était-ce donc ? Une poche, et s’il y a une poche ça veut dire qu’il y a une stomie en-dessous !

Sur le coup, vous avez l’impression que le ciel vous tombe sur la tête. Marié et père d’un petit garçon de 3 ans, tous vos projets sont stoppés net, fort heureusement pas définitivement en ce qui me concerne !

Après une année de convalescence, j’ai repris progressivement mes activités sportives.

Professionnellement, il a fallu m’adapter car je travaillais comme chauffagiste dans le bâtiment. Plus question de porter des charges lourdes. Il a fallu me réorienter dans la maintenance.

Par chance, j’ai été embauché en tant que stomisé et donc travailleur handicapé dans un grand groupe automobile allemand. Après presque 25 années de carrière dans la maintenance de processus de production, j’ai décidé de quitter l’entreprise à la suite d’une proposition de départ anticipé.

Je viens de me lancer un nouveau défi et espère pouvoir finir ma carrière professionnelle dans la maintenance des infrastructures militaires. J’aurai alors totalisé 40 années de travail avec une Iléostomie !

Être stomisé n’est pas un conte de fée. Mais mon expérience a prouvé que paradoxalement, ma stomie m’a permis de réaliser certains de mes rêves, de voyager, de pratiquer des sports que je ne m’imaginais pas pouvoir faire avant. Elle a eu de l’influence sur mes choix de vie, sur ma carrière professionnelle et sur ma vie sentimentale. Tout n’est qu’une question d’adaptation et de volonté…

Ce message s’adresse aux nouveaux patients stomisés.

Baisser les bras n’est jamais bon pour le moral. Alors que les résultats positifs apportent confiance en soi et fierté, céder à la démotivation revient à donner raison à toutes ces voix négatives dans votre tête qui vous crient : « Tu n’y arriveras jamais ! ».

Mme Odile EDERLE, Stomisée-contact et Présidente de l’association des Stomisés du Bas-Rhin, URILCO 67, m’avait demandé de rejoindre le Conseil d’Administration dès 1994. Les 30 années de bénévolat au sein d’URILCO 67 m’ont permis de faire de belles rencontres et de témoigner aux personnes stomisées du monde entier qu’ « une vie normale » avec une stomie était possible! Et elle l’est assurément !

Thierry SCHUSTER Membre et Président de l’association UR.IL.CO. 67


Moi, qui suis-je ?

Je suis la maman de Mathieu qui est maintenant âgé de 22 ans, malade depuis l’âge de 3 semaines de vie, iléostomisé définitif depuis presque 2 ans avec un laborieux parcours médical.

Oui, je suis la maman de Mathieu. C’est d’ailleurs comme cela qu’on m’a appelé durant toutes ces années, jusqu’au jour où ma cousine m’a posé la question « Comment tu vas ? ».

J’ai répondu comme à mon habitude : « Mathieu va bien actuellement : un peu moins de rendez-vous, un traitement qui à l’air de réguler la maladie, moins d’hospitalisations… » Elle m’a stoppée et m’a dit ; « Non, je demande comment toi, Sandra tu vas ? » et là, je n’ai pas trouvé de mots, de termes pour répondre ou décrire mon ressenti.

Moi, mais qui suis-je ?

Je suis la maman de Mathieu, une femme avoisinant la cinquantaine, souriante, forte, qui assume le quotidien, je suis auxiliaire de vie, je suis infirmière, aide-soignante, médecin, femme de ménage, pharmacienne bref …J’ai plusieurs casquettes. Comment j’en suis arrivée là : à ne plus savoir qui je suis ?

Tout a commencé par la culpabilité, oui la culpabilité, c’est instinctif. Pourquoi mon fils est malade, pourquoi doit-il subir tellement de douleurs mais POURQUOI ?

Ces mots ont résonné en moi tout au long de son combat. Comment faire pour espérer, pouvoir atténuer ses douleurs, sa fatigue, ses échecs thérapeutiques.

Je pensais que le fait d’être présente à chaque minute, chaque seconde était essentielle, que seule ma présence le garderait en vie. Il faut aussi dire que lors des hospitalisations, surtout en pédiatrie il est recommandé même souvent obligatoire, qu’il y ait la présence d’un des deux parents. On vous regarde, vous avez l’air forte, vous êtes souriante, votre enfant est rassuré par votre présence, alors oui, on vous laisse assister aux soins même les plus douloureux.

Alors, la maman joue son rôle, elle assume, console durant les moments difficiles, elle donne tout son amour et elle va pleurer en cachette pour ne pas inquiéter son enfant et revient comme si tout allait bien.

On se retrouve même à faire certaines tâches à la place de son enfant, pensant le soulager. On est tellement dans cet engrenage d’aide, qu’on en oublie de le faire gagner en autonomie et en maturité.

On veut juste le soulager, le décharger de sa douleur aussi bien physique, émotionnelle que psychologique.

Être auprès de lui est devenu la priorité, la seule raison de vivre comme si on voulait en profiter avant que la maladie nous l’arrache.

La fatigue est présente dans tous les sens du terme, mais a-t-on le droit de se plaindre ? Non, on se l’interdit tout simplement parce que nous sommes essentiels, du moins, on pense l’être.

Nos douleurs physiques, psychologiques semblent être minimes par rapport aux tiennes alors on ne dit rien. On sombre quand tu dors.

Au fil du temps, on se rend compte qu’on n’a plus sa place de maman. On change de casquette, comme on tourne les aiguilles d’un cadran. Dans le quotidien tout tourne autour de la maladie. Le mot « Maman » est juste encore perçu comme un cri de détresse, de douleur, d’appel à l’aide.

Tu grandis, tu vieillis et nous sommes devenus fusionnels, complémentaires.

Je t’ai appris au quotidien à te battre, à forger ton armure et t’ai donné les armes pour affronter ta maladie.

Quand arrive ce fameux moment dans ta vie ou tu trouves la majorité et que l’heure est venue de couper le cordon sans que nous l’ayons décidé, la rupture est brutale.

Je suis mise de côté, derrière une porte aux urgences, je dois rester à l’extérieur : tu es majeur. Et, je reste là des heures à attendre de tes nouvelles, dans l’angoisse, dans la peur, l’incompréhension. Je me devais être à tes côtés durant toutes ces années et là je dois y renoncer.

Les questions s’enchaînent dans ma tête : « Va-t-il penser à expliquer son parcours médical, va-t-il arriver à sonner, va-t-il arriver à se faire entendre, comprendre, va-t-on tout simplement l’aider dans les gestes du quotidien, vont -ils tout simplement l’écouter et le croire… ? » C’est à ce moment-là que j’ai compris, que j’ai culpabilisé de ne pas t’avoir laissé grandir, t’épanouir, te laisser gagner en autonomie.

Depuis, j’apprends tous les jours à tes côtés, petit à petit.

Si je ne vais pas bien tu ne peux être bien. Pour t’aider dans ta maladie, dans ton combat, je dois prendre soin de moi sans me culpabiliser d’aller au coiffeur, de faire les courses, d’aller prendre un café avec des amis, ou tout simplement de travailler.

Chacun doit reprendre sa place, je suis ta maman, mais je ne suis pas l’infirmière, l’aide-soignante. Non, je suis Sandra et je suis tout simplement la maman de Mathieu.

Je suis comme vous qui me lisez : aidant, femme, mari, conjoint, père, mère, frère, sœur mais avant tout je suis SANDRA et j’existe.

J’existe pour t’aider à aller de l’avant dans ton combat.

Je voudrais terminer en disant. Vous, qui êtes aidants auprès de vos proches malades, comment allez-vous ?

Toi, Francis, Pascal, Martine, Nadia, Sylvie, Léa, Véronique, Jean-Jacques, Fabrice….

Sandra STRAUCH, octobre 2023.

La randonnée avant et après un cancer  

(Arthur WOLF, Reipertswiller) 

Je suis parti en retraite en octobre 2004, au terme d’une carrière intense et avec de nombreux projets dont j’entrevoyais les bienfaits salutaires. La randonnée était une réelle passion toute ma vie et devait prendre évidemment une place privilégiée lors de ma retraite. 

Avant de débuter cette retraite, j’avais programmé un bilan de santé pour commencer cette deuxième partie de ma vie sous les meilleurs auspices. 

Mais, la vie s’avéra difficile. Le bilan médical avec plusieurs examens dont une coloscopie mettait en évidence une tumeur du rectum. 

Je fus pris en charge par le Professeur Christian MEYER du CHU de Hautepierre. Une opération fut programmée en Janvier 2005 au terme de 13 séances de radiothérapie au centre Paul STRAUSS. Après quatre semaines d’hospitalisation, je quittais l’hôpital avec une stomie provisoire. 

Progressivement, j’ai pu reprendre mes activités de randonnée et au mois de mai suivant une nouvelle opération me permettait de ne plus avoir de stomie avec des selles par les voies naturelles.  

Je vécus ce moment comme un soulagement intense et je reprenais d’emblée mes projets de longues randonnées. Président d’une association de marche et guide de longue date, je pouvais à nouveau gérer mon existence au rythme de mes pas et de celui de mes accompagnants. 

Je recommençais à croire aux plaisirs simples de la vie et à des projets audacieux dont une sortie d’une semaine de marche dans les dolomites. 

Mais c’était sans compter sur les désagréments de la vie lorsqu’elle s’acharne à désavouer la vôtre. 

Des séquelles importantes de l’opération se présentèrent. Je fus repris en charge par le Professeur Christian MEYER au CHU de Hautepierre, lequel entrepris un traitement aux antibiotiques dans l’attente d’une éventuelle autre opération. 

Les mois suivants se passèrent bien avec néanmoins de fréquentes infections urinaires. 

Le Professeur Serge ROHR suite au départ en retraite du professeur MEYER pris le relais de mes traitements. 

Les infections urinaires furent de plus en plus fréquentes.  Je fus de ce fait pourvu d’une sonde urinaire dont les changements incessants rythmaient à nouveau ma vie. 

Pendant deux années durant je vécus au diapason de la maladie, des allers retours à l’hôpital et de plusieurs autres opérations toutes psychologiquement très éprouvantes. 

La disponibilité d’esprit et la force morale requise permettent de surmonter des événements difficiles de la vie. 

Je vis à ce jour avec une stomie digestive et une stomie urinaire. Une infection chronique du périnée avait nécessité des soins quotidiens par une infirmière. Un nouveau dispositif de drainage de cette infection chronique a été mis en place me permettant de me déplacer et de marcher à ma guise… ou presque.  

Il n’en demeure pas moins que je peux à nouveau et ce, depuis quatre ans entreprendre à nouveau des marches et randonnées fréquentes avec la complicité et l’assistance de mon épouse et en pleine harmonie avec la nature, la faune et la flore. 

A l’annonce de la maladie, je n’osais plus envisager autant de bonheur et de plénitude. 

Il faut toujours croire en ses lendemains et ne pas craindre de se ressourcer avec ses passions pour mieux se reconstruire. 

Arthur WOLF 

Témoinage d’une femme stomisée

Je m’appelle Claudie, j’ai 51 ans et suis la maman de 3 grands garçons de 29, 27 et 24 ans.
Ma vie a basculé en 2018, suite à une intervention chirurgicale compliquée au cours de laquelle le colon et l’intestin grêle ont été touchés.
J’ai dû être stomisée et me suis retrouvée plongée dans le monde des personnes stomisées avec une poche collée à même ma peau.
Un dispositif vital mais avec un handicap invisible difficile à accepter.

Je haïssais ma nouvelle image corporelle et il m’était devenu impossible de me regarder dans un miroir, de me toucher le ventre ou ma poche.
Des infirmières à domicile venaient 2 fois par jour afin d’effectuer des soins à ma place.
Aujourd’hui, suite à plusieurs opérations et complications, je n’ai plus de colon et il me manque une petite partie de mon intestin grêle.
J’ai vécu dans la dépression, dans le déni, avec la haine durant des jours et des jours.
J’étais repliée sur moi-même, j’ai vécu dans ma bulle jusqu’au jour où mon fils m’a dit : «Maman, oui tu as une poche. Cela est injuste qu’une opération chirurgicale puisse en arriver là! » Et je n’oublie pas cette autre phrase : « Tu nous as donné la vie et là tu gâches la tienne et la nôtre. Alors bats-toi car ta stomie t’a sauvé la vie ! ».

Quelques jours ont passé avant que ses mots ne m’interpellent et là ce fut le déclic!
J’ai réalisé enfin que ma stomie m’a sauvé la vie et qu’il faut que j’avance, que je continue à profiter de chaque instant présent.
J’ai donc décidé de revivre le plus normalement possible et j’ai donné un joli nom à ma stomie, car pour moi il était important de le faire ! 
J’ai commandé des cache-poches et par la suite des ceintures de maintien.
J’ai repris mes activités d’avant : vélo, randonnée, piscine, restaurant, cinéma…
C’est ainsi que j’ai repris goût à la vie et n’ai plus honte de ma poche. Il m’arrive même de plaisanter à propos de mon handicap et d’en parler sans tabou. Cela m’a libéré d’un poids énorme ! Le regard et l’incompréhension de certaines personnes ne me touchent plus.

Ma joie de vivre est bien plus importante que le regard des autres ! 
Ma plus belle victoire est d’avoir réussi à surmonter toutes ces épreuves, même si cela n’a pas été facile à gérer, loin de là !
Aujourd’hui j’aide les nouveaux Patients stomisés en leur démontrant, à travers ma propre expérience, qu’être stomisé n’est pas une honte et que nous pouvons vivre normalement.
Je finirai par ces mots: « Vivez, profitez et osez ! ».
Ma stomie fait désormais partie de ma personne et la vie vaut la peine d’être vécue !

Claudie, stomisée et membre de l’association UR.IL.CO 67

Ma stomie et moi, 50 ans de vie commune et de complicité !

Je fête avec bonheur, reconnaissance et émotion, ce 25 janvier 2023, un anniversaire spécial de 50 ans qui a marqué profondément ma vie. En effet c’est le 25 janvier 1973 que j’ai été opéré à Colmar par le regretté Professeur REYS, lequel s’est vu dans l’obligation de me poser une Iléostomie alors que je n’avais que 18 ans.

Avant cette opération devenue indispensable, j’ai vécu une jeunesse marquée par une forme sévère de la maladie de Crohn qui m’a fortement handicapé. A un moment, j’avais tellement perdu de poids que ma survie était menacée.

Une fois cette stomie posée, ma santé s’est heureusement progressivement améliorée et j’ai enfin pu mener la vie des jeunes gens de mon âge.

Ma stomie, je l’appelle familièrement : « ma copine ! »

Elle m’a suivi durant ces 50 dernières années dans toutes les activités de ma vie : sous la douche, à vélo, en voiture, au travail durant 44 ans en Allemagne, lors de randonnées, lors de coupes de bois en forêt, lors de mes activités de basketteur amateur, lors de mes activités de bricolage, lorsque je me suis marié, bref dans toutes les étapes de ma vie…

Je suis d’un naturel actif et la pauvre stomie a été bien malmenée.

Même si elle soupire parfois et qu’il faut bien la soigner, je lui suis infiniment reconnaissant car j’ai conscience qu’elle m’a sauvé la vie et qu’elle m’a permis de vivre une vie presque normale.

Aujourd’hui je suis retraité et j’ai toujours envie de me battre afin de bien vivre.

J’ai rejoint l’association des personnes stomisées du Bas-Rhin : UR.IL.CO. 67 et ai accepté d’être membre du Conseil d’Administration ainsi que Stomisé-contact.

Je veux témoigner aux jeunes personnes stomisées tout particulièrement ainsi qu’aux autres, que la vie avec une stomie vaut la peine d’être vécue. Il ne faut pas baisser les bras car la vie est devant vous !

Joseph BARTHOLOME, membre d’UR.IL.CO. 67